Notices de Jean-Louis Ferrary

pour le catalogue de la Pléiade

Conteurs italiens de la Renaissance

La nouvelle italienne joua pour l’Europe de l’Ancien Régime un grand rôle dans le développement de la prose littéraire : le succès des auteurs de ce recueil assura en effet la diffusion de modèles, de personnages et de trames inlassablement repris par la suite. En outre, ces récits nous révèlent une Renaissance insolite dont les maîtres mots ne sont plus l’harmonie, l’ordre et la mesure mais la variété et le mouvement d’un monde imprévisible où il s’agit, tour à tour, de montrer la vie pour enseigner et de surprendre pour plaire.

Julien Green

Derrière la rassurante façade d’une langue classique, l’œuvre de Julien Green (1900-1998) déroute et retient le lecteur par son étrangeté à notre monde. La beauté aveuglante des corps interdits surgit dans les écrits autobiographiques avec la même brûlante intensité que dans les romans, mais une inquiétante innocence y protège l’auteur et la tentation ne le conduit jamais jusqu’à la nuit du doute et de la destruction. Les personnages de ses romans souffrent la tragédie que l’écriture lui a peut-être permis d’éviter : la sérénité des dernières œuvres le prouverait, qui suggère l’accomplissement de la mission cathartique des fictions.

Hérodote et Thucydide

Hérodote est le « père de l’histoire », on l’a dit et répété depuis Cicéron, et on doit encore en convenir. Mais on sait aussi qu’il est plus d’une façon d’écrire l’histoire, et toute l’historiographie de l’Antiquité se laisse assez facilement répartir en deux grandes tendances remontant à Hérodote et Thucydide. Cosmopolite, accusé par Plutarque de sympathies pour les « barbares », enquêteur d’une inlassable curiosité, moins étroitement intéressé à la seule histoire politique, Hérodote est revenu à la mode. Hautain, sûr de l’éternité de son œuvre coulée dans l’airain d’une langue superbe, Thucydide, garde ses fidèles. On a découvert qu’il avait lui aussi ses  passions, ses partis pris ; sans doute y a-t-il gagné de devenir plus proche, plus vivant, sans cesser d’être grand.

Plutarque

En comparant dans ses Vies parallèles des Grecs et des Romains choisis parmi les hommes politiques et les chefs de guerre, Plutarque (v. 50-v. 125) voulait signifier aux maîtres du monde que l’hellénisme n’avait pas seulement produit des écrivains, des artistes ou des philosophes, sans compter les bavards, les frivoles et autres græculi. En traduisant l’œuvre de Plutarque, Amyot, précepteur des futurs Charles IX et Henri III, substituait aux miroirs des princes médiévaux l’enseignement d’une Antiquité dont la Renaissance exaltait l’exemple. Mais il ignorait qu’il nourrirait aussi les hommes de la Révolution. Il créait en même temps l’un des chefs-œuvre de la prose française du XVI e siècle, qui devait échapper au couperet du classicisme en recevant la bénédiction de Vaugelas et de Racine.